Criar um Site Grátis Fantástico
Voir ce complet film Barbe-Bleue regarder en ligne avec sous-titres anglais 1080p

Les domaines de la connaissance

Gustave Doré, Barbe-Bleue confiant la clef fée, 1862

« S’il vous arrive de l’ouvrir, il n’y a rien que vous ne deviez attendre de ma colère. »

C’est par ces mots que le terrible Barbe-Bleue prend congé de son épouse, après lui avoir confié les clés de son château, et surtout une en particulier, donnant accès à une pièce ne devant jamais être ouverte.

Qui ne connaît pas le conte de Charles Perrault, auteur du XVIIe siècle français qui légua à la postérité nombre de récits fantastiques qui bercèrent par la suite des siècles de jeunes enfants avant d’aller dormir. Gustave Doré, graveur et illustrateur le plus célèbre du XIXe siècle, nourrissait son art de diverses influences littéraires, proposant tour à tour ses visions de La Divine Comédie de Dante Alighieri, des poèmes de Samuel Taylor Coleridge ou encore de la Bible … Univers composés de créatures et de péripéties fantastiques, il semblait tout naturel que le graveur décide de s’atteler à l’illustration des célèbres Contes de Perrault, fixant sans le savoir ses interprétations de ces textes issus de la tradition populaire dans l’imaginaire collectif pour les siècles à venir…

Le choix de scène à représenter par Doré n’est nullement anodin, puisqu’il décida de se focaliser sur le moment de basculement du conte, à l’instant où le cruel Barbe-Bleue confie à sa femme les clés de son domaine, en mettant l’exergue sur l’une d’entre elles, donnant accès à une pièce devant rester irrémédiablement fermée, sous peine de subir un terrible châtiment au moment de son retour. Or, c’est bien le don de cette clé qui apporte la péripétie, puisqu’avant cette recommandation, tout se passait au mieux au sein du couple. L’objet anodin devient alors pomme de discorde, figurant ainsi le point tournant du récit, et la naissance de la tension. Une tension que l’on ressent d’ailleurs pleinement dans cette gravure. Le doigt inquisiteur levé dans l’ombre, le visage penché en direction de sa compagne, l’ogre terrible prononce sa mise en garde que nous sommes pourtant les seuls à entendre. la femme, dévorée de curiosité, n’entend plus, focalisée sur la mystérieuse clé qui lui est tendue. Elle devient une nouvelle Pandore.


Nadar, Portrait de Gustave Doré. 1867


Pour cette gravure, Gustave Doré fit le choix d’un fond plein, plaçant ainsi l’exergue de son travail sur les deux protagonistes se faisant face. Séparé en deux parties, une première part du fond de la composition se révèle noir et plein, instiguant une ambiance lourde, pesante et obscure à la scène qui se joue sous nos yeux. La seconde part est composée d’un épais rideau de brocard aux détails raffinés, rappelant aux spectateurs la richesse de Barbe-Bleue. Mais cette opulence rime pourtant avec enfermement pour la jeune femme qui n’a nulle part où aller. Par cette atmosphère oppressante et cloisonnée, Doré se situe pleinement dans le conte de Perrault, l’écrivain soulignant régulièrement dans son récit que l’épouse malheureuse est bel et bien prisonnière de ce château à l’étendue trompeuse ; et ce malgré le contraste instauré par le symbolisme des clés, qui ouvrent les voies de la liberté.

L’épouse semble irrésistiblement attirée par cette clé tendue par son mari, à tel point qu’elle étend les mains pour la recevoir alors même que Barbe-Bleue la tient encore dans son poing. Présentée de profil, minuscule, sa frêle silhouette entre en un vibrant contraste avec son mari. Si la richesse et le détail de ses vêtements et parures signalent une fortune certaine, la robe portée par la jeune épouse marque également une profonde distinction avec la mise de l’ogre, difficile à détailler et se mêlant à son abondante pilosité. On retrouve dans le costume porté par l’épouse de Barbe-Bleue le goût de Gustave Doré pour une ère médiévale fantasmée et nourries de récits romanesques touchant plus à la fantaisie qu’à la véracité historique. Empruntant aussi bien à la mode du Moyen-âge qu’à la Renaissance, les atours portés par ce personnage servent d’abord l’imaginaire, flattent les rêveries des lecteurs des contes avant de s’attacher à un quelconque souci du respect de l’historicité. Mais ces belles étoffes, ces perles de culture parsemant les manches et la coiffe, sont-elles simplement représentées afin de flatter l’œil, ou tiennent-elles le rôle de critique de la vanité et du caractère dépensier des femmes. On pourrait opter pour cette analyse, lorsque l’on observe l’attitude absorbée de la mariée dévorant des yeux la mystérieuse clé. la curiosité, autre défaut généralement accolé au caractère féminin, est déjà à l’œuvre.


Hans Holbein le Jeune, Henry VIII d'Angleterre. 1537


Est-ce là un piège délibérément tendu par l’ogre, librement inspiré du roi Henry VIII d’Angleterre. Par sa carrure imposante, par sa taille démesurée, Barbe-Bleue écrase littéralement sa femme, et tout un chacun ne peut qu’être effrayé à la vue de ces vêtements de fourrure qui se mêlent indistinctement à sa barbe fournie et sa chevelure que l’on devine hirsute. Nous pouvons légitimement nous demander si nous sommes bien face à un homme, et non un être hybride, mi-humain mi-bête sauvage, et cette apparence donnée au personnage par Gustave Doré cherche à refléter son caractère violent, cruel et tempétueux. Le doute se trouve d’ailleurs renforcé par le visage du personnage, majoritairement mangé par sa barbe, et par l’ombre prodiguée par le chapeau à plume qu’il porte… Ne demeurent visibles que le nez, tel un museau humant sa proie, et une paire d’yeux exorbités, fixés sur sa future victime. Penché en avant, courbé en direction de sa concubine, Barbe-Bleue est d’une attitude menaçante, sournoise. Cette posture rappelle celle d’un fauve ou d’un ours prêt à se jeter sur son prochain repas, et la taille gigantesque de sa main lorsque placée en comparaison de celles de sa femme, conforte dans ce sentiment. Or paradoxalement, ces mains nues seules permettent de savoir que l’on regarde bel et bien un être humain et non pas un monstre déguisé en homme.

Laisser un commentaire Annuler la réponse.